Bugey : à la découverte de l'Écorche-Boeuf
Nous étions cinq membres du club à partir en repérage, ce mardi 1er Mars 2016, en vue de la création d'un nouvel itinéraire.
Le point fort de ce circuit était de trouver le site appelé l'Écorche-Bœuf.
Il s'agit d'une longue tranchée spectaculaire creusée à mains d'hommes pour y enfouir la canalisation d'une eau captée.
La journée était annoncée très belle et elle le fut.
Nous sommes partis du petit parking situé sur la D30, une centaine de mètres sous le col de Richemond, côté Valromey.
Là, passe le GR9 - GTJ. Nous l'empruntons vers le sud, et ce début de parcours est dégagé, seuls quelques névés persistent.
Après 360 m, nous nous arrêtons à la stèle érigée à la mémoire de Charles PINCHON, résistant.
La présence de nombreuses stèles en ces lieux atteste de l'importance de la Résistance qui y a sévi.
Derrière ce cénotaphe, dans la combe de la Done, nait le bief de la Frache.
Nous allons le suivre parallèlement sur 1800 m.
Lors d'un coude très prononcé du chemin vers l'ouest, nous continuons sud-est sur un sentier qui rejoindra la Frache après 200 m.
Nous enjambons le ru temporaire du Tumelay.
À partir de là, nous cherchons un passage qui ne figure pas sur les cartes.
La Frache que nous avons rejoint se fait active.
La fonte des derniers névés contribue à son flux.
Nous la franchissons à plusieurs reprises en raison de la morphologie du terrain.
Impossible de rester sur le même versant.
Vu son aspect, passablement érodé, il s’agit probablement d’un Perisphinctes (Ammonoidea) car le terrain de la découverte correspond à la période du Jurassique moyen, d'étage Bajocien. Soit de -176 à -167 Millions d'années. Pour corroborer cette analyse, la géologie du terrain situé en amont du ramassage est du Cénozoïque, de la période Tertiaire, et d'époque Pliocène, laquelle est comprise entre -5,3 Ma et -1,8 Ma. D'autres dépôts présents ne remontent, au plus tard qu'à 10.000 ans, lorsque les glaciers en se retirant ont laissé leurs moraines après la glaciation de Würm qui s'est étendue sur les Alpes. Aucune chance d'y trouver une ammonite parmi eux. La classification d'un Perisphinctes semble probable. Cette ammonite fait partie des Cephalopoda (classement Cuvier 1797), ordre des Ammonoidea, dont l'origine remonte à la fin du Trias, il y a 200 Ma. La disparition des Ammonites a coïncidé avec celle des dinosaures, il y a 65 Ma, à la fin du Crétacé.
À 2700 m de notre départ, un semblant de chemin ascendant part vers l’est.
De ce fait, nous n’atteindrons pas la confluence de la Frache et de l’Attendry, union qui donne naissance à la rivière la Dorches.
Nous commençons à monter le long du massif qui culmine à 1069m, à la recherche de l’Écorche-Bœuf.
Nous parvenons sur une vire au-dessus de la rivière.
Nous sommes surpris par un tube qui sort de terre et qui pourrait passer au premier regard pour un tronc d'arbre.
Sauf qu'en son extrémité haute, deux éléments de plomberie nous font remarquer que leur fonction est celle d'une prise d'air.
Une canalisation ou un réservoir d'eau est en-dessous.
Ceci nous rappelle, qu'avant d'engager l'ascension, une cabane cimentée sur la rive opposée avait attiré notre attention ; il peut donc s'agir d'un captage de la rivière en amont, qui passerait sur ce sentier, et non d'une source captée.
Il faudra prochainement en trouver l'explication qui est en lien avec l'Écorche-Bœuf, sans aucun doute.
Un passage étroit, sans grande difficulté, est équipé d'un cable de faible diamètre dont l'amarrage nous semblerait bien léger en cas de nécessité.
Premier contact avec le but de notre repérage. Cette physionomie de la roche nous a fait d'abord penser à une diaclase de décollement. Mais c'est bien l'homme qui a creusé cette tranchée pour sa canalisation d'eau.
Quelques enjambées plus loin, nous voici à l'entrée de la partie la plus spectaculaire. L'Écorche-Bœuf est un site qui vaut d'être vu.
Ce site n'a rien de naturel.
Chose rare dans la nature, c'est l'homme qui en a fait toute son originalité.
Il s'est trouvé devant un obstacle de taille au cours de son ouvrage : la présence d'une barre rocheuse avec des abris sous roche. "On ne peut pas tailler par l'extérieur et bien, qu'à cela ne tienne, on va 'trancher' par le dessus".
C'est la pensée qu'on peut attribuer au maître d'ouvrage.
Ainsi en creusant verticalement son chemin dans une roche calcaire fracassée, l'homme œuvre non seulement pour son intérêt —celui de véhiculer de l'eau coûte que coûte—, mais en contournant son obstacle, il va créer cet environnement étonnant.
La tranchée, qu'il doit faire profonde pour conserver l'écoulement naturel de l'eau canalisée, vient ouvrir le plafond d'un abri sous roche important : ainsi il va façonner, sans doute à son insu, cette arche mi-artificielle dont nous avons le plaisir d'admirer le résultat.
Nous avons une pensée pour ces hommes qui sont venus quotidiennement effectuer ce travail alors que le site est en altitude et éloigné d'un village.
La barre rocheuse franchie, les parois s'amenuisent; un regard situé en bord de sentier nous permet d'entendre circuler l'eau.
Après avoir rejoint le plateau, le tracé est sur la carte. Il nous mène vers le Soillet. Nous bifurquerons vers l'ouest pour retrouver un chemin bien dissimulé.
Nous nous sommes fiés à la carte pour notre retour vers le parking mais une nouvelle voie forestière attise notre curiosité.
Nous l'empruntons avant de tomber dans un cul de sac.
Pas question de retourner.
Nous décidons de couper plein ouest vers l'autre versant de la montagne.
Nous devrions retomber sur le parcours, tout au moins sur le GR9.
Aucune appréhension pour ça, seulement cette côte est très raide.
Une fois sur la crête "côte Jean Court", le chemin est bien là; il nous menera à la grande stèle du col de Richemond érigée à la mémoire du maquis de Richemond.